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Le Ramayana au Vat Xieng Thong (Laos) et le Ramakerti traduit par François Martini
Images et animation Flash référencées IDDN N° IDDN.FR.010.0100336.000.R.P.2002.035.41000
Cinq panneaux de la pagode du Vat Xieng Thong
(à Luang Prabang, ancienne capitale royale du Laos).

Sur le site de cette pagode remarquable du XVIème siècle, figure un petit édifice somptueux consacré au char funéraire royal. Une série de volets en bois doré illustrent des épisodes du Ramayana. Cinq sont représenté ici. Ces photos ont été faites en 1984 dans des conditions techniques difficiles (une importante erreur de parallaxe a dû être corrigée).

Cette représentation des épreuves et de la tendresse du couple royal est un des trésors de l'art laotien.

La version indienne de ce texte épique, texte sanskrit probablement composé au 3ème siècle avant J-C et remanié aux 16ème et 17ème siècles, compte environ 24 000 strophes, soit 100 000 vers. Il s'est diffusé dans tout le monde d'influence indienne, jusqu'à l'Indonésie. Suivant les pays, le poème porte différents noms : "Ramakien" en Thaïlande, "Phra Lak-Phra Ram" au Laos, "Ramakerti" (ou "Ramaker") au Cambodge ...

Ne disposant pas du texte écrit de la version laotienne, les citations ci-dessous sont extraites de l'ouvrage "La Gloire de Rama, Ramakerti" (c'est-à-dire, de la version Cambodgienne) traduit par François Martini, professeur à l'Ecole nationale des langues orientales vivantes. Très au delà d'une simple traduction, c'est, en soi, une oeuvre poétique exceptionnelle, et l'oeuvre d'une vie.

Le passage illustré - la quête de Rama - représente environ la moitié du texte traduit.


Ayant renoncé à son trône par grandeur d'âme, le jeune roi Rama, modèle de toutes les vertus, part en exil dans la forêt avec son frère Lakshmana et sa femme Sita.

Une créature démoniaque, Surapakhana, dévorée de désir, prend l'apparence d'une belle jeune femme et s'offre à lui. Rama et son frère la tournent en dérision. De dépit et de jalousie, Surapakhana agresse Sita. Lakshmana la blesse de son épée.


Le frère de Surapakhana, le démon Ravana "aux dix faces", roi du Langka (l'actuel Sri Lanka), monte un stratagème pour se venger de Rama : Tandis qu'un cerf magique attirera Rama et son frère dans la forêt, Ravana, prenant l'apparence d'un mendiant, ravira la reine. Sita se défend :
"Si les dieux des six ciels et tous les rois de la terre cherchaient à me plaire, je ne les aimerais jamais, mon époux fut-il mort. Tu ferais mieux de me tuer avec ta flèche plutôt que de penser me voir rompre mes voeux de loyauté et de fidélité. Tu ne m'auras pas".

Mais Jatayu, roi des oiseaux, fils du dieu de l'aube et garuda (monture du dieu Vishnu) tente de sauver Sita :
"Ravana fonce sur lui et l'entraîne dans la lutte. Les deux adversaires sont aussi puissants l'un que l'autre. L'oiseau frappe le char de son bec et le brise. Il arrache les chevaux puis se retourne contre le géant. Ravana fuit en tirant une plue de flèches, lesquelles se changent en autant de naga (cobras). Jatayu les frappe à mort et brise les armes de l' asura. Le bruit du combat est semblable à celui de la foudre, on dirait des cascades qui tombent du ciel noir. (...) Le garuda est gravement blessé. Son sang coule à grand flot et arrose la terre."

Ayant pu retrouver Rama, Jatayu l'informe du rapt et meurt dans ses bras.

Rama, à la recherche de son épouse, rencontre Sugriva, roi des singes, dépossédé de son royaume par son frère, le puissant Bali. Un épisode dépeint la lutte de ce dernier avec Dubhi, roi des buffles :
"Dubhi est très fort, brutal et vif. Il soulève la terre avec ses cornes, se retourne brusquement, s'élance et se retire comme s'il volait. Bali lutte avec une légèreté surprenante, on le dirait suspendu dans l'air. Il se tient à distance du buffle qui lance ses coups de cornes en vain. Les divinités, émerveillées, viennent assister au combat. Le soleil et la lune arrêtent leur course."

Rama aide Sugriva à reconquérir son royaume. Reconnaissant, Sugriva offre à Rama les services d'Hanuman, fils du dieu du vent et général de l'armée des singes.
Hanuman retrouve la trace de Sita :
"Ayant traversé la muraille de fer, il voit la nièce de Ravana qui reçoit les dames de haut rang, mais Sita n'est pas là. Il passe la muraille de bronze, puis celle de laiton, mais Sita n'est pas là. Il traverse le mur qui a la hauteur de sept hommes, il ne trouve que des yaksa occupés à disposer des armes, mais Sita n'est pas là. Après la muraille de diamant, il distingue Indrajit, le fils de Ravana, dont le corps lance des rayons, mais Sita n'est pas là. Enfin, il aperçoit le palais Asoka. Il se fait tout petit et entre dans le jardin par une mince ouverture. Il avance jusqu'aux douze portes des trésors, mais Sita n'est pas là".

Enfin, Hanuman retrouve la reine dans le jardin, et la rassure.
A grand mal, les soldats de Ravana parviennent à se saisir de lui, mais, protégé par ses pouvoirs magiques, il se moque d'eux en prétendant que le seul moyen de le mettre à mort est de l'enrouler dans les vêtements de soie de la reine et de l'enflammer.
"On vide les réserves de Mandogiri (l'épouse de Ravana), on prend les vêtements des seize mille femmes de Ravana, en vain. Il faut aussi ajouter la jupe de la reine et son écharpe".

Hanuman, s'envole, hilare, entrainant le brasier et semant le feu dans le palais et tout le royaume de Langka.


Rama, informé par Hanuman, et aidé par l'armée des singes, décide de porter la guerre dans l'île de Ravana. Il lui faut franchir le détroit :
"Alors Rama décide de soutenir sa propre gloire en montrant son incomparable puissance. Il tire, pour assécher l'océan sa flèche Aggrivasa, la victorieuse. Celle-ci brûle les eaux, obscurcit les rayons du soleil, plonge le ciel dans de profondes ténèbres. Faisant le bruit de milliers de foudres, elle secoue l'univers jusqu'au ciel d'Indra. Le Kailasa et l'Himavant sont ébranlés. L'océan se soulève en vagues gigantesques. Les gardiens des ondes et les bêtes de la mer sont terrifiés. (...). Le dieu Océan sollicite alors la permission d'édifier la chaussée pour lui. Rama tire son arc pour que l'eau revienne à sa forme première. Les poissons apportent des pierres, rangent des rochers les uns à la suite des autres pour former une vaste route et permettre au puissant Narayana (Rama) de traverser pour faire la guerre".

Au cours de la bataille homérique qui s'ensuit (une trentaine de pages !), Lakshmana est atteint par une lance. Le remède suppose des herbes magiques. Hanuman vole jusqu'à la montagne, mais, ne pouvant identifier les plantes, arrache le sommet et le rapporte à travers les airs. Lakshmana est sauvé. Entre temps, Ravana harcèle en vain Sita.

La bataille fait rage : Rama "à l'arc invincible" est soutenu par Hanuman :
"Trisira (l'un des fils de Ravana) s'incline et part. Il monte sur son char somptueux tiré par des boeufs (...) Rama envoie Hanuman et Usabha se battre avec le yaksa. Les deux nobles singes assemblent leurs armées. Les singes excités crient tous à la fois. Ils marchent plein d'ardeur emplissant l'air et la terre d'une grande rumeur. Les combattants livrent une violente bataille. On s'engage à coup de montagnes. Les pierres et les roches projetées s'allument sous le choc et lancent des lueurs. Irrités par ce tapage, les dieux des dix régions de l'espace s'en vont ailleurs chercher le calme."

Après de multiples rebondissements, Rama remporte la victoire et délivre la reine.

La fin de l'histoire :
Mais une divinité perverse tend un piège à Sita afin de faire croire à son infidélité durant sa captivité. Ivre de jalousie, Rama ordonne à Lakshmana de la tuer. Convaincu de son innocence, ce dernier la laisse fuir. Elle est recueillie par un ermite, et mettra au monde les deux fils jumeaux de Rama. Des années passent. Ayant appris que Sita avait survécu, Hanuman cherche à la convaincre de revenir à la cour, ce qu'elle refuse. Hanuman lui fait alors croire que Rama est mort. Sita revient alors à Ayudhya pour les funérailles, et laisse éclater son désespoir. Bouleversé, Rama surgit, se confond en regrets et demande son pardon. Mais Sita, outrée par le procédé et drapée dans sa dignité, rejette l'offre et quitte la cour. Toute la diplomatie d'Hanuman n'y fera rien : Sita demandera à la Terre, sa mère, de l'engloutir, et elle trouvera refuge auprès du dieu des nagas.

La "Gloire de Rama" se termine sur un cri tragique du roi :

"Oh ! Que vous êtes loin de mon désir, loin de ma pensée, loin de mon corps, loin de mon amour ! Loin de moi aussi tout apaisement. L'avenir ne sera plus que néant. Mes oreilles cependant sont encore pleines de votre voix, alors que nous ne sommes plus réunis comme autrefois !". (...)

Alors le roi saisit une flèche, sort et va se placer devant le palais. Rama écrit un message, le fixe à la pointe étincelante de la flèche, puis bande son arc dans la direction du royaume de Langka.

La flèche partit d'un vol rapide avec un bruit tel qu'on eut cru que cent mille foudres avaient retenti, obscurcissant et ébranlant le ciel."
FIN
Bibliographie